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dieser beitrag wurde verfasst in: französisch (fre/fra/fr)

name: Atelier Coopérative de Tournai

biografische angaben: Atelier de tissage, Tournai, Belgique, existant de 1948 à 1953.

«Au mois d'août 1947, lorsqu'arrive la commande du Premier Ministre Paul-Henri Spaak [à Edmond Dubrunfaut de créer 300 m2 de tapisserie pour les ambassades belges, à terminer entre trois ans], il faut imaginer l'aspect pratique de cette commande. 300 m2 à tisser, même en trois ans, nécessitent une infrastructure qui dépasse les possibilités des ateliers Leroy et Taquet, qui rassemblent en tout cinq personnes: Claudine leroy et sa mère, Robert Taquet et deux ouvriers dont il avait commencé la formation. Car il n'est évidemment pas question de se limiter à de pitites tapisseries. L'occasion, tant attendue, est trop belle pour ne pas se lancer dans les grands formats espérés. Il faut d'autres métiers et surtout des artisans formés. Roger Somville emprunte 40'000 francs à sa mère qui survit difficilement pour financer l'achat de métiers. Il ne remboursera cette dette qu'en 1958, alors que les métiers avaient depuis longtemps disparu, transformées en bois à brûler.

Un nouvel atelier est installé dans les greniers de l'Académie de Tournai. La situation économique étant difficile, l'idée était de mettre des chômeurs au travail. De janvier à septembre 1948, cent ouvriers suivront des cours théoriques et pratiques. Vingt seulement seront reçus, puis il n'en restera que dix-sept qui travailleront sous la direction de Robert Taquet pour le tissage et de Roger Somville pour le dessin et l'histoire de l'art. Même placé sous le patronage du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, ce 'Centre de réadaptation professionelle' ne peut valablement organiser le travail. A l'initiative de la Chambre de Commerce de Tournai, du Conseil économique wallon et du Centre de Rénovation de la Tapisserie, la constitution d'une société coopérativee est décidée.

La 'Société coopérative La Tapisserie de Tournai' est créée, officiellement, le 20 août 1948. […] Lors de la première réunion du conseil d'administration, Edmond Dubrunfaut représente les peintres-cartonniers. Le directeur gérant est Madame S. de Beer. Normalement, un capital de 500'000 francs belges était indispensable pour faire fonctionner la société. Celle-ci démarre cependant avec des souscriptions estimées à 75'000 francs mais dont seulement 35'000 sont à la disposition de la société. […]

La société [en 1948] possède un métier de 5m de large, deux métiers de 3 m et deux métiers de 2,50 m. Rappelons que la larguer des métiers correspond à la hauteur maximale des tapisseries exécutées. Le personnel engagé pour le tissage comporte les membres des ateliers Leroy et Taquet et, à partir du 17 janvier 1949, les ouvriers formés par le Centre de réadaption des chômeurs. En mars 1950, il reste[nt] que sept artisans et un contremaître. Trois artisans travaillent à domicile, mais de manière plus lente et sur des métiers de largeur insuffisante. L'arrivée de sept nouveaux lissiers est prévue pour la mi-avril.

Dès le 30 avril 1949, le président [Jean de Ruyter] démissionne, estimant que la situation est intenable et ne voulant pas assumer les responsabilités d'un échec qui s'annonce, faute d'une aide substantielle. Cependant, il faut honorer la commande du ministère des Affaires étrangères. On demande expressément aux peintres-cartonniers de prévoir des projets variés en rapport avec le folklore national. Une enquête a été menée auprès des différentes ambassades et consulats pour connaître les possibilités d'y installer des tapisseries et les dimensions requises. Dans un premier temps, des esquisses pourraient être soumises à l'Institut belge de Londres et aux ambassades ou consulats du Luxembourg, de La Haye, Paris, New York, Montevideo, Budapest, Rio de Janeiro e le Caire. Très vite, un appel ou des remarques sont faits aux cartonniers, car leurs projets sont jugés trop avant-gardistes ce qui rendra la vente difficile. Cet aspect est extrêmement important car il indique que la tapisserie, chargée d'un passé prestigieux, n'est pas considérée par le public comme un art actuel, tandis que les peintres cartonniers entendent bien, pour leur part, créer un langage moderne dans la tapisserie. Malgré tout, le travail avance. Le rapport du premier exercice, daté du 18 mars 1950, fait état d'une production de 158,87 m2 pour le département des Affaires étrangères et de 1,60 m2 pour une commande privée. 6 m2 ont été vendus à la Province de Hainaut, tandis que la Ville de Charleroi a passé une commande pour une tapisserie de 4,50 m2. De nombreux contact sont pris avec les différentes administrations mais on constate très vite que les exportations seront difficiles. Par contre, le rendement est acceptable, les lissiers atteignant une production moyenne journalière de 5,82 dm2. Une surface quotidienne de 6 dm2 par lissier étant considérée comme optimale.

Les relations de la Coopérative avec les cartonniers seront conflictuelles. En principe, ils avaient accepté de ne pas être payés et de laisser la part qui devait leur revenir en fonds de roulement. Dubrunfaut et Somville avaient investi dans le matériel dont l'équivalent financier avait été converti en actions de capital. Chacun s'était vu contraint de prendre des parts de coopérateur. Leur situation personnelle n'étant pas particulièrement confortable, il demanderont à être payés pour leur travail. De plus, ils refusent de se soumettre aux directives du ministère des Affaires étranères au nom de la liberté artistique. Dubrunfaut voudrait même imposer une nouvelle signature, sans doute FM pour Forces murales en lieu et place de 'Tapisserie de Tournai' accompagné de la signature du cartonnier.

Deux nouveaux peintres rejoignent les rangs. Il s'agit de Michel Holyman et Jean Ransy. Au début de l'année 1951, les perspectives semblent s'améliorer. Pour faciliter la vente, de petites tapisseries à vocation purement décoratives et d'ameublement sont mises sur le métier: liseuses, tapisseries pour fauteuils et chaises qui, on le comprend, n'intéressent guère les peintres-cartonniers. Hélas, cela ne suffira pas. Face à de tels problèmes, la dissolution de la société est proposée une première fois le 13 janvier 1951, puis à nouveau le 6 avril et encore le 12 avril de l'année suivante. Refusée à chaque fois, elle devient inéluctable. Le conseil d'administraiton doit se réunir d'urgence le 7 février 1953 car Michel Holymaan a indroduit une créance auprès du tribunal qui devrait entraîner une vente publique prévue le 21 février. Pour l'éviter, la faillite est prononcée le 19 février. Immédiatement, les peintres-cartonniers rentrent des requêtes de créances pour récupérer leurs cartons. L'aventure se termine dans la débâcle, les métiers sont brûles, certains cartons perdus. Fort heureusement, la commande du Premier Ministre avait pu être terminée, l'ensemble de ces tapisseries appartenant toujours au ministère des Affaires étrangères.»

(Guisset / Baillargeon, 2009, pp. 60—64)